La faille… science-fiction monétaire

Monsieur le président,

Comment calmer la rue ? Comment trouver de l’argent pour satisfaire ces malheureux, sans accroître les impôts qui les saignent ? Vous avez exclu l’ISF, c’est noté. C’est vous le président après tout ! La dette ? Elle est déjà élevée, et vous n’avez pas d’arme monétaire pour vous aider à l’alléger un peu. Il est loin le temps on l’on pouvait sortir d’une crise par le haut, avec un peu d’inflation. La BCE a d’autres soucis que vos gilets jaunes, monsieur le Président… Et pourtant, ça ne nous ferait pas de mal ! Regardez : avant la crise, notre PIB nominal augmentait régulièrement à des rythmes de 4 ou 5% annuels ! De nos jours, on dépasse péniblement les 2%, c’est un peu mou !

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Monsieur le président, vous êtes né sous une bonne étoile, car en cette période qui semble sans issue, une faille spatio-temporelle pourrait vous apporter le salut, et, à défaut de prospérité, un peu de bonne humeur à votre peuple. Cette faille porte un nom : PERF. Non, pas pour « perfusion », comme vous y allez… mais pour « Portefeuille Électronique de la République Française ». Suivez-moi, je vais vous expliquer…

Il a quelques quatre siècles, en Hollande, de riches commerçants confiaient leur or à des banquiers, afin qu’il soit en sécurité dans de grands coffres. Ces banquiers ont eu une idée géniale : échanger cet or qu’ils conservaient contre des certificats de dépôt anonymes, et donc échangeables. Ainsi, lorsqu’un de ces commerçants devait effectuer un paiement en or, il pouvait le faire en donnant un certificat de dépôt plutôt que de l’or. C’était si pratique, que finalement les certificats sont devenus eux-mêmes un moyen de paiement : un fournisseur recevant un paiement sous cette forme n’allait plus systématiquement chercher l’or correspondant, puisqu’il pouvait utiliser le même certificat pour payer ses propres fournisseurs. Du coup, les banquiers ont pu émettre plus de certificats que ce qu’ils n’avaient d’or dans leurs coffres. Ils ont créé de la monnaie, comme vous aimeriez pouvoir le faire aujourd’hui.

Et bien monsieur le président, vous avez, si vous la saisissez, une occasion en or de faire exactement la même chose !

Avez-vous remarqué que lorsque vous ‘likez’ un statut twitter, votre ‘like’ est immédiatement comptabilisé ? En revanche, lorsque vous payez par carte une boîte de capsules de café, il faut deux ou trois jours pour que la somme passe de votre compte à celui de George Clooney. Ne préfèreriez-vous pas que la somme soit transmise immédiatement plutôt que de vivre en permanence dans l’angoisse de savoir si le solde qui apparait sur votre smartphone inclut bien votre dernier paiement en date ? Et imaginez l’angoisse des commerçants, qui se demandent s’ils vont dépasser leur découvert autorisé, selon le temps mis par un virement en attente !

Techniquement, il est possible de faire des systèmes de paiement qui vont plus vite. Paylpal fait ça. Les Crous qui gèrent les restaurants universitaires de nos beaux campus ont créé une superbe appli ‘izly’ qui fait la même chose. Mais ces systèmes de paiement ne sont pas suffisamment universels pour changer la vie de gens. Et les banques elles-mêmes ne le font pas, car elles sont interconnectées, et il faudrait donc qu’elles adoptent de façon synchronisée un nouveau système informatique.

Mais oh… on est la start-up nation ou pas ? Alors vous allez être un game-changer, Monsieur le président.

Voilà comment ça va se passer. Vous allez débaucher 20 chercheurs du CNRS, dont au moins 3 ou 4 spécialistes en cryptographie, pour développer votre appli. PERF. Le principe est le suivant : chaque utilisateur a un compte, avec mot de passe et identifiant. Ce compte est associé à un ou plusieurs comptes en banque, pour effectuer des virements dans les deux sens. Sur l’appli smart-phone, un code-barre permet de réaliser des paiements directement. Si la somme est trop élevée (>50€), l’utilisateur doit utiliser son mot de passe.

Jusque-là, vous ne faites que réinventer ce qui existe déjà.

Mais comme vous êtes la startup nation, vous allez ajouter quelque chose : vous allez annoncer que, dès janvier 2020, les fonctionnaires acceptant d’être payés sous la forme de virement sur leur compte PERF pendant au moins deux ans bénéficieront d’une prime de 1000€ versée en 5 mensualités. En même temps, vous annoncez que tous les contribuables acceptant de s’acquitter de leurs impôts en utilisant exclusivement leur compte PERF pendant deux ans bénéficieront d’une baisse d’impôt de 1% pendant cette période. Évidemment, entre temps, vous aurez équipé le trésor public et toutes les caisses percevant les cotisations sociales d’un compte PERF.

Comme ça va plaire à tous les commerçants, qui se trouvent être également des contribuables, vous allez, pendant quelques mois, leur fournir l’assistance qu’ils ne manqueront pas de vous demander pour s’équiper également.

Janvier 2020, tout l’argent qui, normalement, devrait être utilisé pour payer les fonctionnaires volontaires, sera versé à PERF, en échange de l’équivalent en euros-PERF, plus 200€ par volontaire (c’est la première mensualité de la prime). Alors évidemment, si la totalité des fonctionnaires souhaitent transférer la totalité de leurs euros vers leur compte en banque habituel, c’est l’échec. Mais oh, on n’est pas la startup nation sans prendre un peu de risque ! Cela dit, les commerçants ayant installé leurs propres comptes pour bénéficier de la baisse d’impôts, ils devraient accepter sans problème des paiements via PERF. Il suffit que les fonctionnaires conservent sur leur compte PERF plus de 200€ en moyenne pour l’opération ait réussi.

Ainsi, si tous les utilisateurs se mettent à utiliser leur compte comme moyen de paiement habituel, PERF sera devenu, comme les banquiers du 17ème siècle, un créateur de monnaie. Tout en étant un établissement public, bien entendu !

Évidemment, PERF ne devra pas faire n’importe quoi. La start-up sera devenue une sorte de banque centrale bis. Il ne s’agit pas de lui faire créer des dizaines de milliards de liquidité par mois. Il lui faudra un statut, une indépendance, des objectifs. En guise d’objectif, je propose par exemple de s’assurer une croissance du PIB nominal de la France de 4% par an.

Ne vous y trompez-pas, Monsieur le Président. Un jour ou l’autre, quelqu’un va réussir à imposer le modèle du paiement en ligne comme un nouveau standard monétaire. Celui-là aura alors un pouvoir de création monétaire. La fenêtre de tir ne restera pas ouverte pendant 10 ans ! A vous de voir si vous voulez entrer dans l’histoire comme le président qui aura rendu à l’État un petit peu de sa souveraineté monétaire tout en restant dans l’Euro, ou comme celui qui a organisé des techno-parades à l’Élysée.

Voyez grand, Monsieur le président, pensez ‘Startup Nation’.

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